Hiérarchie des normes
Avant d’aborder le fond du droit applicable, il convient de préciser que l’article 671 du Code civil établit une hiérarchie des sources en la matière :
« Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations ».
Ainsi, il convient d’appliquer les règlements s’il en existe, tels que les arrêtés, documents d’urbanisme, servitudes d’utilité publique susceptibles de prévoir des règles en la matière.
A défaut de règlements, il faut se référer aux usages, lesquels doivent remplir les caractères d’ancienneté, constance et généralité.
A titre d’exemple, il est d’usage à Nîmes d’admettre que les pêchers, pruniers, saules, trembles et peupliers soient plantés à 0,50 mètre de la limite séparative (CA Nîmes, 24 octobre 1984, jurisdata n°1984-000569).
Ce n’est donc qu’en l’absence de règlements et d’usages locaux (qu’il faut prouver) que les dispositions du Code civil ont vocation à s’appliquer.
Les dispositions relatives à l’entretien des plantations sont codifiées aux dispositions des articles 671 à 673 du Code civil.
L’article 671 qui dispose que :
« Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations ».
L’article 672 du même Code prévoit :
« Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent ou s’ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu’en observant les distances légales ».
Et l’article 673 que :
« Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible ».
Ces dispositions sont applicables à toute plantation : « arbres, arbustes et arbrisseaux », quelle que soit la nature du fonds sur lequel elles sont situées et quelle que soit la configuration des lieux.
Dimension verticale des plantations : hauteur des plantations
Au regard de l’article 671 du Code civil, il faut distinguer trois zones selon l’endroit où se situe la plantation par rapport à la limite séparative de deux propriétés voisines :
- entre la ligne séparative et 0,50 mètre de celle-ci : les plantations y sont interdites,
- entre les 0,50 mètres et 2 mètres de la ligne séparative : Les plantations sont autorisées mais ne peuvent dépasser 2 mètres de hauteur,
- Au-delà de 2 mètres depuis la ligne séparative : les plantations peuvent pousser librement et ne sont plus soumises à une hauteur maximale.
En fonction de la localisation des plantations dans l’une de ces zones, la sanction ne sera pas la même.
- entre la ligne séparative et 0,50 mètre de celle-ci : les plantations étant interdites, la sanction consiste dans l’arrachage de celles-ci,
- entre les 0,50 mètres et 2 mètres de la ligne séparative : les plantations devront être élaguées à une hauteur ne dépassant pas 2 mètres. L’arrachage ne pourra pas être demandé, à moins d’obtenir l’accord du propriétaire de l’arbre,
- Au-delà de 2 mètres depuis la ligne séparative : ni l’arrachage ni l’élagage ne pourront être imposés, sauf trouble anormal du voisinage dont l’arbre est à l’origine (cf. infra).
Les exceptions
- Les plantations en espaliers
Les alinéas 2 et 3 de l’article 671 dispose que :
« Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n’est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d’y appuyer les espaliers ».
Ainsi, lorsque le mur est mitoyen, les plantations peuvent être accolées au mur sans que leur hauteur ne puisse dépasser celle de la crête du mur.
Si en revanche, le mur n’est pas mitoyen, les arbres ne pourront être plantés à au moins 0,50 mètre, sans pouvoir être apposés au mur.
Ils devront s’appuyer sur un autre support.
- L’existence d’un titre
Le propriétaire de la plantation peut s’opposer à la demande d’élagage ou d’arrachage s’il prouve avoir acquis le droit de les conserver en vertu d’une convention écrite entre propriétaires voisins.
- L’existence d’une servitude par destination du bon père de famille
Dans cette hypothèse, il est possible de s’opposer à la demande s’il est rapporté la preuve de ce que les deux fonds voisins proviennent de la division d’un immeuble ayant appartenu au même propriétaire, comme le prévoit l’article 693 du Code civil :
« Il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude ».
La plantation devra être antérieure à la division des fonds.
Cette exception ne peut s’appliquer aux arbres poussés (rejets) ou plantés (Cass. civ. 28 novembre 1953 ; DP 1954, 1, p.253).
- La prescription acquisitive trentenaire
Dans cette hypothèse, le propriétaire de la plantation peut prescrire le droit de le conserver là où il croit, malgré l’irrégularité de la plantation.
Le point de départ du délai trentenaire sera différent selon la localisation de l’arbre.
- entre la ligne séparative et 0,50 mètre de celle-ci : le point de départ est celui de la sortie de terre ou de la transplantation,
- entre les 0,50 mètre et 2 mètres de la ligne séparative : le point de départ est celui où l’arbre a dépassé la hauteur de deux mètres.
Dimension horizontale des plantations : les branches et les racines
L’article 673 du Code civil dispose que :
« Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible ».
Il résulte de cette disposition que celui qui subit l’avancée des branches du voisin sur sa propriété peut contraindre celui-ci à les couper. Il ne pourra toutefois le faire lui-même.
En revanche, s’agissant des racines, ronces ou brindilles, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative, sauf convention ou cahier des charges contraire (Cass. 3ème civ. 13 juin 2012, n°11-18791).
Cas du trouble du voisinage
Il est des cas où l’arbre, l’arbuste ou l’arbrisseau respecte les distances règlementaires, les usages ou les dispositions du Code civil mais où il cause une nuisance qui peut constituer un trouble anormal du voisinage.
Il convient alors de démontrer que la présence de l’arbre est source d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage et qu’il occasionne un trouble excessif par rapport à ce qu’il est normal de supporter du fait du voisinage.
A titre d’exemple, une haie d’une hauteur de 10 mètres située à 4 mètres d’un mur mitoyen ne provoque ni un trouble d’ensoleillement ni un préjudice particulier touchant à une vue panoramique si ce trouble n’est que ponctuel et limité à la journée et à l’hiver (CA Aix en Provence, 4ème civ. 11 juin 1987, jurisdata n°1987-043689).
En revanche, la Cour de cassation a jugé que constituait un trouble anormal du voisinage le phénomène d’assombrissement plongeant dans l’obscurité les pièces, la terrasse et le jardin causé par une haie extrêmement envahissante composée d’arbres à croissance rapide et par leur amplitude :
« Mais attendu qu’ayant retenu, exactement, que l’auteur d’un trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage doit le réparer même s’il n’a pas méconnu la réglementation d’urbanisme et, souverainement, par une appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que Mme D… justifiait d’un préjudice lié au caractère anormalement envahissant d’une haie composée d’arbres à croissance rapide dont, par leur amplitude, les branches plongeaient dans l’obscurité les pièces, la terrasse et le jardin de sa résidence et ayant relevé que, le phénomène d’assombrissement se poursuivant au fil des années, la réduction en hauteur des végétaux permettrait de mettre fin aux troubles de voisinage, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, sans modifier l’objet du litige, abstraction faite d’un motif surabondant sur la hauteur qu’avaient atteinte les cyprès litigieux lors de l’acquisition de la maison occupée par Mme D… , légalement justifié sa décision » (cass. 3ème civ. 20 décembre 2018, pourvoi n°17-15231).
Le trouble et de son caractère anormal sont appréciés au cas par cas par les juges.